je sais que j't'ai assuré que tout allait bien. que je m'en sortais, que j'avais retrouvé le bon chemin et que le soleil revenait. que le vent ne faisait que délicatement envoyer des mèches de cheveux sur mon visage. que la pluie s'était arrêtée de tomber du ciel et des mes yeux embrouillés. que mes jambes étaient solides et que je pouvais marcher sans appui, sans ton bras pour me retenir de tomber. j'tai menti. j'tai menti solide. j'tai menti à cent milles à l'heure. j'men suis pas rendu compte sur le coup, parce que même moi, j'me suis convaincue. j'croyais que j'pouvais garder toutes les pièces collées l'une à l'autre. j'croyais pas qu'il exploserait sauvagement et se sauverait de mon emprise. j'croyais avoir mis assez de colle chaude pour tout faire tenir plus ou moins solidement. j'croyais que ça tiendrait au moins un petit peu plus. j'ai pas réussi. j'ai pas réussi à garder cette chose précieuse qui contrôle tout en dedans. pis tu vois, sans lui, y'a plus rien qui marche. le sang coule plus dans mes veines, ma tête surchauffe et mes mains tremblent. le soleil dehors a bin beau faire griller mes membres blancs, cet organe rouge sang reste froid comme la neige blanche qui vient de disparaître. j'me croirais en hiver, tellement j'tremble à cause de toute cette froideur. j'aurais voulu que tu sois fière de moi. j'aurais voulu que tu vois que j'ai fait ça comme une grande, que je m'en suis sortie avec brio. j'aurais voulu te montrer que mon armure est restée intacte malgré le combat. mais, j'te dis, il est parti. envolé. j'ai pas su le retenir, je sais pas comment le faire revenir. il ne me reste que quelques morceaux d'un casse-tête abîmé. aide-moi à retrouver les pièces manquantes, veux-tu? elles sont faciles à trouver. elles ont la même couleur, un rouge clair et vif. et puis si t'en retrouves une, garde-la. j'en veux pas, parce que je vais encore l'abîmer et elle s'évadera une fois de plus. garde-la et prends-en soin, répare-la. peut-être alors je pourrai la replacer là où elle va sans qu'elle me fuit.
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Chaque cicatrice parle. Elle raconte une histoire douloureuse. Bien trop souvent on les cache, on en a terriblement honte. Malgré la douleur, ces blessures peignent les plus belles couleurs sur un tableau, composent les plus belles phrases musicales, agencent les plus beaux enchainements de mots. Pourquoi tu les cacherais, ces histoires qui t'abiment le cœur et qui te brisent la peau? Peut-être qu'entre brisés, on se reconnaît. Peut-être qu'on se retrouve, avec nos allures de guerriers, dans cet océan de tristesse. On se repère tout de suite, les coloriés. Je veux pas mettre l'emphase sur toi, je veux pas te viser. Parce que toi, c'est moi, c'est elle, c'est lui. Toi, c'est ta petite sœur, c'est ton meilleur ami, c'est ton amoureuse. T'es anonyme pour tous, même parfois pour moi. Même pour ceux qui t'aiment tendrement, même pour ceux qui t'apprécient de loin, même pour ceux qui t'admirent en secret. Vous passez inaperçus, tes hiéroglyphes et toi. J'aurais voulu te dire. Te dire que je sais, que je comprends. Que mes bras et mes oreilles sont toujours grands ouverts. J'aurais voulu mettre un baume sur ton corps entaillé,mettre un peu de chaleur dans ton cœur éclaté. J'aurais voulu retracer ces déchirures de mes doigts et les écouter me parler d'elles. De leurs nuits inondées, de leurs jours sombres, de leurs accrocs difficiles. J'aurais voulu t'accompagner, te protéger. J'ai pas pu, mais maintenant, si. Un petit peu. T'es jamais seul. Même si tu vois personne à des kilomètres à la ronde. Même si tu manques d'essence dans ta tinque à amour. Je sais que les gens te sauveront pas, mais ils peuvent t'aimer. Et ça, c'est presque pareil. Et tu sais quoi? Je vais te dire mon petit secret. Par le passé et pour le futur, à la place de graver des œuvres d'art sur ma peau, j'ai peint des chefs-d'œuvre avec l'encre qui coule sous mon clavier. L'encre noire est beaucoup plus belle que la rouge, crois-moi. Ma maison est pas mal à terre, ces temps-ci. J'essaye de ramasser les quelques matériaux qui pourront m'être utiles dans la construction de ma prochaine demeure. J'ai regardé mon chez-moi partir en fumée. J'en suis sortie in extremis, quelques brûlures et blessures qui cicatriseront sur les bras et le coeur, et quelques babioles sauvées dans le creux de mes bras. J'ai regardé mon chez-moi s'éteindre et s'effondrer pour ne former qu'un lourd amas de cendres noires et de fumée qui pique les yeux. La gorge serrée, les yeux humides et la machoire crispée, je me suis tournée et je suis partie. Ça sert à rien de regarder sa vie s'écrouler devant soi à part se péter le cœur en mille. J'vous mentirai pas, j'ai été tentée de retourner sur les lieux de l'incendie à maintes reprises. Parfois, j'suis allée jeter un petit coup d'œil, juste passer devant, voir ça ressemble à quoi maintenant. Eh bin, ça ressemble à rien. C'est qu'une masse noire et informe, vide de vie et de sens. J'ai dit adieu à tout ce que j'avais vécu dans cette maison. Tous ces rires, ces pleurs, ces joies, ces colères, ces danses, ces discussions. Avec les jours, j'ai fini par revenir moins souvent, j'avais moins besoin de revoir le terrain. Et, j'avais un plan, quelques rues plus loin. Je construisais pour moi-même. Je rebâtissais proche, mais pas exactement au même endroit. J'ai imaginé seule toutes les chambres, tous les meubles, tous les cadres et les photos insérées dans ceux-ci. J'aime bien cette nouvelle construction. Oui, oui. C'est beau, ça devient tranquillement chez-moi. J'aime toutes les pièces, surtout celle où je garde les souvenirs. Ça me fait rire, parfois ça me fait pleurer. J'ai des photos de mon ancienne maison. J'aime encore l'observer, l'admirer. Mais parfois, il fait froid dans ma maison. Il fait froid et il pleut. Parce que j'ai pensé à tout. J'ai pensé à toutes les pièces, à tous les détails. Mais dans ma nouvelle maison, j'ai oublié qu'un seul minuscule petit détail qui change tout. J'ai plus de protection, de bouclier. Dans ma maison, il n'y a plus de toi. Et parfois, j'ai froid sans toi. |
Marjorie BérubéJ'écris pour calmer les tempêtes dans ma tête et pour faire le ménage dans les mots qui s'y entrechoquent. Archives
Décembre 2019
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