ça fait un an que je t'écris. ça fait un an que je t'adresse mes mots. on en a fait du chemin, toi et moi. tu m'as vue tomber en amour. tu m'as écoutée en parler sans cesse, sous toutes les formes. tu m'as observée, les yeux étincelants de bonheur ou d'eau. tu m'as laissée te déverser mes plus profonds maux et mes plus débordantes joies. tu m'as accompagnée dans mon apprentissage alors que je grandissais, malgré moi. tu m'as pas fait de sermon, t'as rien dit. tu m'as juste écoutée, en attendant que je trouve les réponses moi-même. parce que c'est à ça que tu sers. tu sers pas à me trouver des réponses, juste à m'aider à les chercher. tu m'as vue m'en sortir, me libérer. j'tai ouvert mon cœur, mes veines. j'tai dit tellement plus que ce que j'ai partagé, tellement plus que ce que je pourrai jamais leur dire. j'tai confié mes secrets les plus précieux, mes pensées abstraites, mon imagination colorée. j'tai fait une place dans mon monde, j'tai pris la main et j'tai fait faire le tour du propriétaire. j'tai accueilli dans ma vie comme tu m'as libéré un coin de table pour que j'y barbouille. j'te dis merci. merci de partager mon monde, d'être mon canevas, de me laisser peindre sur ton dos des fresques colorées. merci de te laisser toucher par mes mots, d'être les feuilles tachées et déchirées sur lesquelles je dépose mes larmes. merci d'y ajouter tes mots, tes larmes, tes sourires, d'être celle qui m'écoute tranquillement. merci de me laisser faire ce que je sais faire de mieux, de me tenir la main pendant que je gambade dans d'autres lieux. j'espère qu'on s'reverra, cachées sous une couverture et bien reliées. en attendant, j'continuerai à t'écrire, parce que tu me fais tellement de bien.
0 Commentaires
ton regard vide, absent, lointain me fixe. tu me vois, dis? qui vois-tu exactement? je crois que les souvenirs gravés dans ma mémoire jeune n'y sont plus dans ta banque de données faiblissante. je me demande si tu souris à l'adolescente souriante devant toi, ou si tu vois la petite fille aux doigts mordillés et aux lunettes rondes. je crois que tu vois probablement rien. tu ne fais que répondre à mes expressions délicates mais inconfortables. mon regard se trouble, à la dérive. te rappelles-tu? non, je sais. mais moi oui. je me rappelle ta maison, tes carrés au citron, tes mots croisés, tes cahiers à colorier. je me rappelle ta voix déjà chevrotante, tes yeux bleu mer des caraïbes. je me rappelle t'entendre dire que tu m'emporterais dans ta valise. je me rappelle dormir sur le plancher de ton salon. toutes ces choses sont si vives, si vraies pour moi. et pourtant, elles ont perdu forme dans ton esprit, se sont évaporées au rythme des saisons. et puis dans le bleu de tes yeux éteints, et au travers des vagues dans les miens, je vois d'autres. je la vois, elle, qui deviendra peut-être toi. je me vois moi, malgré la teinte visiblement plus sombre de mes yeux. je reconnais en moi des signes de toi. que puis-je te souhaiter? pourquoi vois-je encore le bleu de tes yeux? pourquoi tes paupières lourdes ne se scellent-elles pas à tout jamais? qu'as-tu encore à m'apprendre, dans ton ignorance et ton errance? peut-être me reste-il qu'à plonger dans la mer de tes yeux pour y voir ta vie passée. peut-être dois-je me perdre dans l'océan de tes pensées abstraites, oublieuses. peut-être qu'avec ce que tu perds, je me retrouverai. toi, mon petit boulet. tu me suis partout, tu colles à mes pas. tu t'assures de rendre la marche pénible, d'alourdir mes chevilles faibles. ta chaine est pas très longue et bien souvent, je sens ta rondeur me talonner. oh, je sais, petit boulet, que je t'ai accroché moi-même à ma cheville. j'sais plus où j'ai caché la clé, j'lai probablement perdue, trop heureuse de m'enchaîner. ça arrive, d'être content de s'attacher. mais parfois, on cherche la clé et elle a disparue. et puis malgré tous nos efforts, tous les coups de pioche, toutes les scies, on peut pas s'en sortir. notre petit boulet nous suit, de loin ou d'un peu trop près. parfois, j'arrive à t'oublier pour un temps. ça fait du bien, je sens enfin la liberté. mes jambes douces courir à travers les champs, mes pieds si légers que je me sens m'envoler. et puis, boum, tu me ramènes au sol. tu m'agrippes, m'entailles de tes dents, me rappelle la douleur de ton poids. j'sais pas pourquoi j'étais heureuse d'être en prison. j'me sentais pas en prison, peut-être. même quand j'ai reçu ma permission de sortie, j'ai pas eu envie de partir. chaque nuit, j'rêvai à notre prison. en fait, ma prison, ton terrain de jeux. c'est comme si j'faisais tout pour ignorer la porte ouverte que tu m'avais laissée. j'me cachais les yeux chaque fois que j'passais devant, j'me bouchais les oreilles en chantant chaque fois qu'on m'en parlait. j'aurais pu partir n'importe quand, mais j'ai délibérément choisi de rester. syndrome de Stockholm, sans l'assaillant méchant qui me retient. syndrome de Stockholm, mais en liberté. mais quand j'ai revu les lieux, j'ai eu mal au cœur et que j'ai voulu partir en courant. c'est là que j'me suis rendu compte que toi, petit boulet, tu me faisais trop mal pour rien. j'avais enfin échappé les grilles et les caméras de surveillance, mais j'avais encore le goût amer du fer en bouche, et enchainé à la cheville. peut-être que j'aurai toujours les marques de tes dents sur ma peau, et que parfois je rêverai au poids de ton corps sur le mien, mais j'ai plus envie de t'avoir tout près. j'ai pas envie que tout le monde sache que je suis encore prisonnière. parce que je le suis pas, plus. alors c'est le temps que j'agisse enfin comme tel. pars, petit boulet, pars. j'trouverai un autre délit à commettre pour te revoir. jusque là, j'espère ne plus jamais t'être enchainée. c'est ici que je viens te parler.
c'est ici que je viens déverser mes torrents accumulés par les jours passés. j'laisse les vagues grandir, et puis ici, j'laisse le tsunami s'évader. j'te dis tout, ici. t'es belle, marine. t'es jolie avec tes douces courbes. t'es radieuse, sous les projecteurs du soleil photographe. t'es criante, dans tes chuchotements d'eau. t'es apaisante, odeurs fines et salées. j'te dis tout, marine. tu m'dis tout, aussi. avec toi, j'reprends des forces. avec toi, j'respire à nouveau. avec toi, me semble que ça vaut le coût de continuer d'naviguer. viens-t'en donc, on va se sauver de tout. on va s'éloigner des peurs et des sourcils froncés, pis on va mettre le cap sur la liberté et les fossettes creusées. on va laisser au port les gens toxiques, pis on va voguer vers de nouvelles terres. on va quitter les voix fortes et les regards durs, pis on va laisser le vent ébouriffer nos cheveux frisés. on va devenir qui on voudra. j'sais qu'tu pleures des fois, marine. j'sais qu'pour toi aussi, c'est la tempête parfois. les jours sont pas si ensoleillés. mais veux-tu, ensemble on va rêver, juste pour une journée. on va rêver d'un jour où. à toi de finir mon souhait, ma marine. tu te rappelles la dernière fois qu'on s'est parlées? ni toi ni moi, on s'y attendait. aux imprévus, aux arrivées, aux départs. mais t'y as survécu, marine. t'as baissé la tête et t'as laissé la tempête passer, pis moi de même. j'tavais dit que j'reviendrais. tu m'fais du bien. tu m'calmes, tu m'ressembles, tu m'encourages. tu me fais sentir si petite et pourtant si grande à la fois. si faible et pourtant si forte. si douce et pourtant si cassante. toi dans ton immensité, dans ta profondeur. t'as pas de fin, tu seras toujours un petit mystère. j'reviendrai, promis, marine. |
Marjorie BérubéJ'écris pour calmer les tempêtes dans ma tête et pour faire le ménage dans les mots qui s'y entrechoquent. Archives
Décembre 2019
Catégories |