"je vais mourir bientôt." c'est une phrase si simple, mais si lourde que j'ai entendue souvent durant la dernière année. lancée bêtement, presque avec légèreté, sans vraiment vouloir faire frémir. une constatation banale, tout au plus. elle ne servait pas à faire réagir le destinataire, ni même le destinateur. une phrase balancée dans le vent, murmurée, une fourchette à la main, sans vouloir faire de vagues. et moi, toujours, sans exception, de répondre: "bin non! voyons! arrête!" ça me faisait un peu peur chaque fois, que tu t'imagines ta vie s'arrêter bientôt. égoïstement, que tu ne t'imagine pas l'impact que cela aurait sur la mienne. que tu ne saches pas l'impact de ta vie sur la mienne, même si moi, ça m'a pris ta mort pour en voir la pointe de l'iceberg. parce que je savais pas. je pensais que j'aurais encore du temps. encore des années à me blesser le cœur sur ta porte fermée, encore des années à entendre ta voix grave chanter avec moi dans l'auto, encore des années avec ta présence dans le salon, encore des années à te blâmer pour tout. je savais pas qu'en fait, tu avais raison. je savais pas que ma vie se bâtirait sans toi. que tu ne pourrais pas être fier de moi quand j'irai à l'université pour créer, quand je me marierai, quand j'aurai dans enfants, quand je deviendrai une artiste réalisée, quand je déciderai de vivre le rêve après lequel tu as soupiré. depuis, je porte ton fantôme en sac-à-dos. comme une présence familière, presque réconfortante. ton fantôme est un poids invisible, qui se manifeste en odeur, en musique, en hommes costauds aux cheveux blancs. tu continues d'exister, d'une façon qui n'appartient qu'à moi maintenant. finalement, papa, tu es mort bien tôt.
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Marjorie BérubéJ'écris pour calmer les tempêtes dans ma tête et pour faire le ménage dans les mots qui s'y entrechoquent. Archives
Décembre 2019
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