quand on me demande ce que j'aurais aimé pouvoir conserver en images, je pense en premier à des choses tristes. les premières images sont évidentes. je voudrais avoir une copie des images de mes adieux à mon papa. juste cette jeune aventurière un peu nerveuse qui enlace précipitamment un papa ému. un "je t'aime" rare, mais si précieux à mes yeux. je voudrais un arrêt sur image de son visage fier et ému, mi-sourire, mi-larmes, devant sa plus jeune qui réussit. je voudrais la bande sonore de son rire franc, celle de sa voix qui chante dans l'auto, même celle de ses blagues plates, de ses "et c'est le but!" crié à presque minuit quand j'essaie de dormir. je voudrais l'entendre et le voir pour être sur de ne jamais oublier la couleur de ses yeux. maintenant, je ne peux que me regarder dans le miroir pour y retrouver cette couleur noisette. je voudrais me rappeler du dernier "à lundi!" avant son départ, avant la fin de sa vie arrêtée comme une balle dans un mur d'eau. juste pour retracer les traits de son regard si doux et si naif, qui allait se fermer avant même d'avoir vu le monde à ses pieds. je voudrais faire un film de ce dernier moment à l'aéroport nigérien, celui dans lequel mon petit bonhomme de neveu traverse le mur de sécurité pour se blottir contre moi. juste une dernière fois avant de revenir dans mon froid. juste une dernière image avant de quitter cette chaleur, cet amour, cette vie qui m'a transformée. toutes ces dernières fois, parce qu'on sait rarement quand elles le sont. ces "à la prochaine" sans prochaine, ces "à demain" sans lendemain, ces "à plus tard" qui arrivent trop tard. je sais pas pourquoi les moments tristes, je voudrais les conserver aussi près. pour ne pas les oublier, parce qu'ils font partie de moi autant que les moments joyeux, parce qu'ils forgent une facette de qui je deviens. mais je pense aussi à certaines joies, teintées de nostalgie, certes. je voudrais avoir la cassette de spirit, de mes dimanches après-midis chez les amies, juste pour redécouvrir ces imaginaires d'enfance. je voudrais avoir une compilation de tous les fous rires au travail, en cours quand on est pas censé rire, dans la cour d'école, le soir tard quand on est censé dormir, autour du feu, dans l'auto quand on est censé se calmer. bref, juste tous les rires. tous les miens, tous ceux que j'ai provoqués, tous ces sons si doux aux oreilles qui font pétiller le cœur. ma face amoureuse. devant les vrais, devant les fictifs. quand je suis tombé en amour avec les vrais, avec les personnages, avec les livres, avec les histoires. ces premières fois au travers desquelles j'ai compris qu'une porte sur le monde s'ouvrait. juste pour retomber en amour avec le monde, encore une fois. je voudrais revoir les scènes de tellement de ma vie, parce que je suis un peu curieuse et que j'aime bien tout savoir. les bloopers, les behind the scenes, les ratés, les Oscar-worthy performances, bref, un film monté comme la vie: une balance parfaite de moments drôles, de tension, de drames, de pleurs et d'amour. le genre de film que je voudrais regarder. le genre de film que je voudrais vivre.
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Marjorie BérubéJ'écris pour calmer les tempêtes dans ma tête et pour faire le ménage dans les mots qui s'y entrechoquent. Archives
Décembre 2019
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