ces jours-ci, je me nourris beaucoup de français. pour moi, les langues vont par périodes, par coups de cœur. j'ai passé beaucoup de temps en anglais. ma tête peut y cacher beaucoup, sans que mon cœur n'en saisisse les monts et les vallées, ni les faisceaux de lumières ou les allées sombres. quand je veux me cacher de moi-même, je vis en anglais. j'apprécie cette langue efficace, simple, avec laquelle je communique avec le monde entier. elle me fait rire, me fait pleurer, m'enchante. à travers elle, je vis des aventures, des guerres, des histoires d'amour. mais entre mon cœur et moi, on se cache beaucoup de secrets derrière ce géant rouge et bleu. on se dit des mots, mais on ne les laisse pas nous toucher, nous changer. depuis quelques jours, je redécouvre la langue de Molière. la langue de ma mère, droite, la langue de mon père, créative, la langue de mon peuple, isolée, la langue de mon cœur, expressive. cette langue si douce et complexe que j'aime, que j'aime aimer. cette langue dans laquelle j'aime créer, avec laquelle je joue, celle qui inonde mes yeux, celle qui m'ouvre l'esprit. ma langue, je la trouve belle. elle est belle pour qui sait bien la manier, et même pour ceux qui sont plus hésitants. ces jours-ci, je visite nos cousins d'outremer. chez moi, on les a toujours bien aimé, je pense. ils nous ont toujours fait rire. alors ces jours-ci, je me rappelle. je me rappelle que ma langue aussi est drôle, et que même si son public est plus petit, elle est raz-de-marée, elle rafle tout - et tous - sur son passage. je me rappelle que ma langue est touchante dans ses histoires, douce dans ses chansons, comique dans ses sketchs, poignante dans ses essais. ma langue, peu importe l'accent avec lequel elle s'habille, est ma plus grande richesse, mon plus précieux trésor, mon plus bel héritage. grâce à elle, mon cœur et ma tête ne font qu'un, grâce à elle, ils savent s'exprimer avec finesse et peuvent toucher les autres cœurs. grâce à elle, je bâtis des ponts avec ma famille linguistique éloignée. j'aime cette langue. j'aime l'Histoire, les histoires, la culture, qu'elle transporte. j'aime ce qu'elle a à dire, ce qu'elle dénonce, ce qu'elle embrasse. j'aime les gens qui la parlent, qui la chérissent, qui lui portent une attention particulière. j'aime ses artistes qui me font rire, qui me font pleurer, qui choisissent de conserver et de niveler par le beau leur langue. j'aime ceux qui se laissent toucher par sa force subtile, qui se prêtent à son jeu. ma langue n'est pas simple, elle fait peur à beaucoup. mais c'est une des raisons pour laquelle elle si précieuse. c'est parce qu'elle demande une attention constante, elle demande simplement qu'on s'y intéresse et qu'on l'aime suffisamment pour l'apprivoiser. elle se fait désirer, choisit ceux qu'elle laisse l'aimer. elle veut être protégée, enrichie. elle veut créer et toucher les cœurs de sa plume, elle veut faire vivre. elle veut vivre. elle demande à être aimée dans ses monts et ses vallées, dans ses allées sombres et ses soleils levants. elle demande à être aimée dans toute sa complexité. finalement, ma langue me ressemble. en la cultivant, je me récolte.
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Marjorie BérubéJ'écris pour calmer les tempêtes dans ma tête et pour faire le ménage dans les mots qui s'y entrechoquent. Archives
Décembre 2019
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