j'ai des amis imaginaires. j'en ai plus maintenant que quand j'étais petite. peut-être parce que j'ai alimenté mon monstre. je lui ai fait dévorer des pages de noir sur blanc, des heures d'écran, des tonnes de scénario. bref, ma mère avait raison. la fiction a pris contrôle de ma réalité. mon monstre imaginaire a bien grandi. évidemment, il avait comme exemple tous les meilleurs, tous mes préférés qui s'additionnaient. la liste est longue, les amis. mon monstre est beau et grand et doux et gentil et parfait. mon monstre n'a pas de défauts, et s'il en a, ils sont adorablement tolérables. avec les années, il a peaufiné ses répliques pour ne dire qu'exactement ce que je veux entendre, il a musclé ses bras fictifs pour me protéger contre les vilains, il a adoucit son sourire pour me consoler le cœur. avec les années, j'ai pu faire de mon ami imaginaire l'être que j'aime le plus au monde. celui à qui je reviens quand j'ai le cœur lourd, quand je me sens seule et abandonnée, quand je n'arrive pas à dormir. mon ami imaginaire me tenait la main partout où j'allais. je croyais l'avoir comme appui, comme réconfort. mais je ne m'appuyais que sur des nuages, sur ma propre tête qui me jouait des tours. j'ai compris que mon cœur était seul, que ma tête était malade. parce que par peur d'être rejetée ou abandonnée, j'ai rejeté toute interaction avec le monde réel. pour me protéger, j'ai préféré fuir et me réfugier dans ma zone de confort, dans le seul endroit que je contrôle complètement. parce que comment un être créé de toute pièce peut-il rejeter son créateur contre son gré? mes personnages ne vivent que par moi, ils n'ont aucune liberté d'action. ma tête est une prison dans laquelle je me suis enfermée en les créant. en apparence, j'avais l'air normal, mais dans ma tête, j'étais constamment entrain de me construire des histoires. y'a rien de mal à ça, les histoires. le problème, c'est quand elles prennent trop de place. plus de place que tout le reste. parce que mon ami imaginaire est un être égoïste, il me demande beaucoup d'attention, de concentration, de temps, de place. de cœur et d'esprit. mon ami me faisait fermer porte après porte, m'éloignait de tous en me rapprochant de lui. alors, ami imaginaire, c'est ici que notre route se sépare. peut-être un jour, tu pourras devenir un personnage que je ferai lire aux gens. tu pourras vivre sainement, couché entre les pages rugueuses d'un livre. mais tu ne peux plus vivre dans ma tête. j'ai d'autres amitiés à entretenir.
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Marjorie BérubéJ'écris pour calmer les tempêtes dans ma tête et pour faire le ménage dans les mots qui s'y entrechoquent. Archives
Décembre 2019
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